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Référé suspension : la condition d’urgence être établie même si le requérant a attendu l’issue de son RAPO

Référé suspension : la condition d’urgence être établie même si le requérant a attendu l’issue de son RAPO

Publié le : 25/04/2023 25 avril avr. 04 2023

La procédure de référé suspension est prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative qui dispose :

« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »

Plusieurs conditions sont alors exigées pour qu’un tel recours soit recevable :
  • Il faut avoir au préalable ou simultanément demandé au juge administratif l’annulation au fond de la décision,
  • Il faut justifier d’une situation d’urgence,
  • Il faut démontrer qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée
  • La décision ne doit pas être entièrement exécutée.

La condition d’urgence est celle qui a fait l’objet de nouvelles précisions récemment par le Conseil d’Etat.

Dans une décision du 24 avril 2023, n°467023, les Sages ont été confrontés à la demande de suspension de l’exécution de la décision implicite née le 25 juin 2022, par laquelle le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable obligatoire formé contre la décision du 7 avril 2022 par laquelle la commission locale d’agrément et de contrôle Ouest a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle à un agent de sécurité ; ainsi que cette décision.

Par une ordonnance du 12 août 2022, le juge des référés, après avoir considéré que les conclusions devaient être regardées comme étant dirigées contre la décision du 4 août 2022 par laquelle la commission nationale d’agrément et de contrôle du CNAPS a expressément rejeté son recours préalable, a suspendu l’exécution de cette décision, et enjoint au CNAPS d’autoriser l’agent à exercer la profession d’agent privé de sécurité dans un délai de 8 jours et dans l’attente du jugement au fond.

Le CNAPS a formé un pourvoi contre cette décision devant le Conseil d’Etat pour demander l’annulation de cette ordonnance.

Or, le Conseil d’Etat a confirmé la première ordonnance.

Tout d’abord, les Sages ont rappelé les critères applicables à la condition d’urgence dans un considérant de principe :

« D'une part, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence. »

Ensuite, l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) dans la situation d’espèce est rappelée :

« D'autre part, aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Dans le cas où un recours administratif préalable est obligatoire avant la saisine du le juge de l'excès de pouvoir, la saisine du juge des référés est cependant possible avant que l'administration ne se soit prononcée sur le recours administratif préalable. Toutefois, la circonstance que la demande de suspension intervienne postérieurement à la décision rendue sur recours administratif préalable ne suffit pas, par elle-même, à regarder la condition d'urgence comme n'étant pas remplie par principe. Il appartient alors au juge des référés d'apprécier objectivement l'urgence compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. »

Les juges en concluent alors que :

«  Il ressort des pièces du dossier qu'ayant pris connaissance de la décision du 7 avril 2022 de la commission locale d'agrément et de contrôle ouest lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle, M. A... a formé le recours administratif préalable obligatoire prévu par l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure le 19 avril suivant. Le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet le 25 juin, dont M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation le 10 juillet 2022, et la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le 28 juillet suivant. Si M. A... n'a pas demandé la suspension de l'exécution de la décision du 7 avril 2022 dès le dépôt de son recours administratif préalable comme il lui était loisible de le faire, cette seule circonstance ne saurait suffire à regarder la condition d'urgence de sa demande en référé comme n'étant pas remplie, alors notamment que M. A... a introduit sa demande de suspension moins de deux mois après l'intervention de la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable. Dès lors que l'exécution de cette décision aurait pour conséquence de le priver d'emploi et de ressources, son contrat ayant été suspendu et que son employeur lui ayant annoncé son intention de le rompre si la situation perdurait, et qu'il est constant qu'il contribue, notamment, à l'entretien et à l'éducation de son enfant, la condition d'urgence doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme satisfaite. »

Partant, le Conseil d’Etat confirme que le seul fait que l’agent de sécurité ait attendu d’avoir une réponse à son recours administratif préalable obligatoire ne conduit pas nécessairement à réfuter l’existence d’une situation d’urgence.

Les juges doivent dès lors observer les conséquences que créerait l’exécution de la décision litigieuse.

En l’espèce, l’agent allait être privé d’emploi et de ressources, alors même qu’il contribue notamment à l’entretien et à l’éducation de son enfant.

Le juge administratif opère dès lors un réel contrôle, au cas par cas, de l’urgence de chaque situation dans le cadre de l’appréciation des conditions du référé suspension.

Cette décision est une précision bienvenue pour la démonstration de l’urgence dans le cadre des procédures de référé devant le juge administratif.

Si vous rencontrez une situation d’urgence nécessitant l’introduction d’une requête en référé suspension, n’hésitez pas à contacter le Cabinet !
 

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